
📆 Sortie : 26 septembre 2025
💿 CD / Vinyle / Digital
🎨 Pochette : Butterfly Wings de Michael Kidner
📷 Photos : Julien Lennon
✍️ Avec Lumen, Bill Laurance propose une œuvre qui s’éloigne des terrains battus de ses précédentes aventures musicales. Pianiste aux multiples facettes, membre émérite de Snarky Puppy, producteur audacieux, compositeur d’orchestre et électron libre, il se livre ici à un exercice de dépouillement radical : seul face à un piano, dans le silence sacré d’une église.
Le lieu choisi pour l’enregistrement n’est pas anodin. C’est dans l’église St Faith’s à Dulwich, dans le sud de Londres, que Laurance s’est enfermé durant plusieurs jours, en avril 2025, pour enregistrer la matière première de ce disque. L’acoustique naturelle du lieu, la réverbération des murs de briques, la lumière filtrée par les vitraux… tout concourt à créer une atmosphère quasi mystique.
Le titre Lumen évoque d’ailleurs cette quête de lumière – une lumière intérieure, fragile, vacillante, mais tenace. Car au-delà de la simple performance musicale, ce disque est un acte de foi. Non pas au sens religieux, que Laurance dit ne pas vraiment partager, mais au sens d’un abandon : foi en la musique, foi dans le geste spontané, foi dans l’instant.
L’approche est résolument introspective. Laurance ne cherche pas à impressionner, ni à séduire. Il s’agit ici de laisser parler les silences, les respirations, les hésitations même. La musique naît parfois d’un motif ténu, presque invisible, comme dans « Mantra », qui s’ouvre sur un piano feutré à la sonorité intime, presque chuchotée. Puis, sans qu’on s’en rende compte, le morceau s’épanouit, prend de l’ampleur, jusqu’à occuper tout l’espace sonore, tel un vitrail qui s’illumine progressivement.
Le jeu de Laurance est d’une sensibilité rare. Il puise à la fois dans le jazz, le classique, les musiques minimalistes et la musique impressionniste. Mais il ne cherche pas à se positionner dans une case. Ce qu’il propose ici, c’est un langage personnel, une grammaire du sentiment, faite de contrastes et de nuances.
Dans « Dove », il revisite l’esprit du stride piano, avec ses syncopes joyeuses et ses basses bondissantes, mais y injecte une touche de mélancolie, de blues, comme une ombre qui traverse le sourire. À l’inverse, la pièce-titre « Lumen » joue la carte de l’esquisse impressionniste, presque comme un prélude perdu retrouvé dans un carnet oublié.
Le recours au piano feutré – instrument préparé avec des bandes de feutre entre les marteaux – permet à Laurance d’explorer une palette sonore plus intime, presque tactile. Ce timbre doux, mat, rappelle les confidences murmurées, les souvenirs d’enfance, les rêves éveillés. Il offre aussi un contraste saisissant avec les passages joués sur un piano à queue classique, plus vaste, plus solennel.
Mais Lumen ne se limite pas à une démonstration technique ou esthétique. Ce disque est aussi une méditation sur la solitude. Là où ses précédents projets s’appuyaient sur le collectif, l’improvisation partagée, l’énergie de groupe, ici tout repose sur une seule voix : la sienne. Et c’est dans cette fragilité assumée que l’album trouve sa force.
Ce n’est pas un disque à écouter d’une oreille distraite. Il demande un certain abandon, une écoute attentive. Mais ceux qui prendront le temps de s’y plonger seront récompensés : ils y découvriront une musique sincère, habitée, à la fois ancrée et flottante, enracinée et libre.
Il y a quelque chose de profondément humain dans cette musique. Une volonté de se dépouiller des artifices, de retrouver un lien direct avec l’essentiel : le son, le toucher, l’instant. Laurance, qui jadis entourait son jeu de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, choisit ici la voie de l’épure. Ce qu’il nous donne à entendre, c’est son souffle, ses doutes, ses élans – sans filtre.
Au fil des dix pièces qui composent l’album, on sent une progression, une traversée. Une sorte de voyage intérieur, entre lumière et obscurité, entre certitude et abandon. Et lorsque le disque s’achève, on a l’impression d’avoir partagé, en silence, une confidence.
🎼 Lumen est un album rare. Un disque qui ne cherche pas à faire du bruit, mais qui, précisément par sa pudeur et sa sincérité, touche au cœur. Il marque un tournant dans la carrière de Bill Laurance – une forme de maturité artistique, de retour à l’essentiel.
Ceux qui aiment les musiques contemplatives, les espaces de liberté, les pianos qui racontent des histoires trouveront ici un compagnon précieux. Et pour les autres, Lumen pourrait bien être cette lumière discrète qui ouvre la porte vers un autre rapport à l’écoute, plus profond, plus personnel.